Comment anticiper les effets d’un divorce sur les avantages consentis au conjoint ?
Il convient dans un premier temps de détecter les droits attribués ou attribuables au conjoint (avantages matrimoniaux, donations, capitaux décès), de constater ou non leur révocation suite au divorce, et enfin de s’interroger sur la possibilité ou non de modifier ces effets.
1. Avantages matrimoniaux
Les époux mariés sous un régime communautaire, ou séparatiste avec société d’acquêts, ont pu se consentir des avantages matrimoniaux.
Les avantages matrimoniaux prenant leur effet au cours du mariage (la communauté universelle, la communauté de meubles et acquêts, la société d’acquêts, l’apport d’un bien propre à la communauté) sont maintenus en cas de divorce.
C. civ. art. 265 al. 1
Remarque : Apport à communauté et clause alsacienne
En cas d’apport à communauté (ou clause d’ameublissement), il est possible de prévoir une clause de reprise des biens propres en cas de divorce (ou clause alsacienne).
C. civ, art. 265 al. 3


Les donations entre époux peuvent être réalisées par contrat de mariage (quel que soit le régime matrimonial), dans un acte de donation, ou par testament.
Depuis 2005, quel que soit le type de divorce les effets sont les suivants :
les donations de biens à venir ou "donations au dernier vivant" sont révoquées automatiquement par le divorce sauf volonté contraire du donateur (C. civ. art. 265 al. 2) ;
Par ailleurs, il est possible de prévoir une clause, dans l'acte de donation, prévoyant la révocation de la donation de biens à venir « en cas d'introduction de procédure de divorce ». Le but étant d’éviter que la donation soit maintenue en cas de décès, alors que le divorce n’est pas encore prononcé.
CA Toulouse, 7 nov. 2023, n° 21/00476les donations de biens présents sont maintenues malgré le divorce (C. civ. art. 265 al. 1) : il s'agit d'une règle d'ordre public : par conséquent, il n’est pas possible d’insérer, dans l’acte formalisant la donation de biens présents, une clause résolutoire en cas de divorce (dite « clause de non-divorce - Cass. civ. 1, 14 mars 2012, n° 11-13.791)
En revanche, le divorce entraîne la révocation automatique des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux (l’attribution intégrale au conjoint survivant, le préciput, la stipulation de parts inégales, le partage inégal des acquêts, la dispense de récompenses), sauf volonté contraire de l'époux qui les a consentis.
C. civ. art. 265 al. 2
2. Donations
Rappel : avant 2005
Avant le 1er janvier 2005 (loi du 26 mai 2004), le sort des donations dépendait du type de divorce.
En outre, les divorces qui ont eu lieu avant le 1er janvier 2005 (date d’entrée en vigueur de la loi), ne sont pas tous concernés par la révocation automatique des donations de biens à venir. Il est alors possible que certaines personnes divorcées avant cette date héritent à l’avenir de leur ex-conjoint. Pour éviter cette situation, il est possible de prévoir dans un testament la révocation de toute disposition antérieure à cause de mort.
3. Assurance-vie
Lorsque que la clause bénéficiaire vise « mon conjoint non-divorcé », la désignation bénéficiaire est révoquée de plein droit en cas de divorce.
En revanche, le divorce est sans effet sur la clause bénéficiaire en cas de désignation nominative.
Attention : précautions rédactionnelles
Dans tous les cas, il faut éviter de désigner le bénéficiaire par sa qualité ET par son nom (comme par exemple "mon conjoint Mme X").
Si la clause cumule la qualité et le nom du bénéficiaire, alors la désignation est ambiguë et sera donc soumise à l’interprétation des juges
CA Douai, 16 mars 2017, n°16/00249
Si, au jour du dénouement du contrat, le souscripteur assuré a divorcé et s’est remarié avec une autre personne, la clause sera sujette à interprétation…
Ecarter l'ex-conjoint n'est pas toujours pertinent : en présence d’enfants communs en bas âge, le souscripteur peut souhaiter conserver l'attribution de l'assurance-vie à son ex-conjoint afin d'assurer l'éducation des enfants communs.
Je suis en instance de divorce, mon conjoint recevra-t-il les capitaux de mon assurance-vie si je décède ?
Généralement, l’assureur vous propose une clause bénéficiaire pré-rédigée attribuant les capitaux : au conjoint, non séparé de corps, à défaut aux enfants, vivants ou représentés ou à défaut aux autres héritiers.
Ainsi, le conjoint restera bénéficiaire des capitaux même si l’instance de divorce est enclenchée ou que les époux sont séparés de fait et qu’ils ne vivent plus ensemble.
Il ne sera plus bénéficiaire :
dès que le jugement de séparation de corps est rendu ;
ou dès que le jugement de divorce est rendu (l'appel et le pourvoi sont suspensifs. Tant que des délais de recours restent ouverts, il n'est pas possible de déterminer la date des effets du divorce) ;
ou dès que la convention de divorce par consentement mutuel est déposée au rang des minutes du notaire (depuis le 1er janvier 2017).
Remarques :
Désormais, les clauses pré-rédigées prévoient l’attribution des capitaux au partenaire de PACS (à défaut de conjoint).
Dans ce cas, le partenaire demeure bénéficiaire du contrat jusqu’à l’enregistrement de la dissolution du PACS (enregistrement qui doit être réalisé à la mairie à compter du 1er novembre 2017).
De plus, Il est toujours possible de rédiger différemment la clause et de désigner comme bénéficiaire "son conjoint, non séparé de corps et non en instance de divorce".


Synthèse


(*) Les donations qui avaient été consenties à l’époux ayant rompu la vie commune ou responsable de la faute ayant conduit au divorce étaient révoquées de plein droit. En revanche, en cas de divorce sur requête conjointe ou sur demande acceptée, les époux étaient libres de maintenir ou non leurs donations.
(**) Un adultère pourrait être considéré par les juges comme une « injure grave » au sens de l’article 955 du code civil, permettant de révoquer une donation de biens présent pour ingratitude.
Cass. civ. 1, 25 oct. 2017, n° 16-21.136
(***) Cette solution est applicable quel que soit le motif du divorce.